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Génocide rwandais: le "Petit pays" de Gaël Faye porté sur scène dans le sud de la France

Déjà porté sur grand écran, "Petit pays", premier roman à succès de l'artiste franco-rwandais Gaël Faye arrive au théâtre où le metteur en scène Frédéric Fisbach, en donnant corps et voix au génocide des Tutsis au Rwanda, espère toucher les "futurs citoyens".


L'artiste franco-rwandais Gaël Faye à Bourges le 21 avril 2017GUILLAUME SOUVANT AFP/Archives

"Je n'ai pas quitté le pays, je l'ai fui, j'ai laissé la porte grande ouverte derrière moi": vingt ans après son départ forcé du Burundi, alors en proie à la guerre civile, le narrateur du roman, Gabriel ou Gaby, dont le père est Français et la mère Rwandaise réfugiée au Burundi, revient dans son "petit pays", sur les traces d'une enfance qui a brutalement volé en éclats.


Avec le dramaturge, "on est parti de la fin", explique le metteur en scène: "Gaby retrouve sa mère qui est traumatisée et il lui raconte à nouveau leur histoire commune". Au centre de la scène du théâtre Liberté de Toulon, dans le sud de la France, un grand tapis de laine verte tissé à la main et parsemé de mottes en relief, figure le paysage tout en collines du Rwanda tel qu'on l'aperçoit depuis le Burundi voisin. Au-dessus, un néon lumineux trace une ligne de crête tout autant qu'une frontière.


"Ce qui est magnifique dans le roman de Gaël Faye, c'est que c'est éminemment sensuel: on est dans une nature, il y a des animaux, il y a des sons. Je voulais absolument pouvoir rapporter cela sur le plateau", souligne Frédéric Fisbach. Sur le grand tapis duveteux évoquant un tapis d'éveil, les six comédiens, qui, outre différents personnages, incarnent tous collectivement Gabriel sous la forme d'un choeur, se roulent ou se lovent langoureusement.


"En fait, c'est un écrin pour que les acteurs puissent jouer", ils sont "des passeurs de paroles mais aussi de sensations", détaille le metteur en scène, qui a filmé au Rwanda les paysages et éléments naturels projetés sur trois écrans en arrière-plan.


Seule la mère de Gaby n'est pas incarnée, si ce n'est par la voix off de Gaël Faye lui-même, qui s'est inspiré de sa vie pour son premier roman, traduit en 40 langues. "La nuit allait lâcher sa horde de hyènes et de lycaons" annonce le choeur: subitement, le ciel s'obscurcit, la rangée de projecteurs placée en bord de scène s'affole, le noir envahit le plateau, et le tapis est tiré en fond de scène. "Génocide entre proches"


A l'éclatement du couple parental répond la montée des tensions politiques au Burundi et au Rwanda, qui déboucheront sur la guerre civile et le génocide des Tutsis par les Hutus. L'irruption de ce monde extérieur chaotique sonne la fin de l'innocence et fera de Gabriel un exilé. "Le Rwanda, c'est l'équivalent de deux cantons suisses, dix millions de personnes environ y vivaient à l'époque. Entre 800.000 et un million de personnes ont été tuées par environ trois millions de personnes donc c'est vertigineux. C'est un génocide qui s'est passé entre amis, entre voisins, entre proches et ce sont des gens qui continuent à vivre ensemble", rappelle Frédéric Fisbach, qui lui a grandi avec le poids d'un autre génocide, celui de la Shoah.


"Là je me retrouvais face à un roman plébiscité par la jeunesse qui parlait d'un génocide récent", qui "s'est déroulé sur un autre continent" mais "avec des proximités très grandes avec la France", ajoute-t-il.


"J'ai toujours ce fantasme quand je présente un projet de susciter des vocations de spectateurs", de m'adresser particulièrement à de "futurs citoyens", avance encore le metteur en scène. "Tu ne pourras pas toujours rester comme ça Gaby, neutre", lance au narrateur son meilleur ami, Gino. "Gabriel a voulu garder un réflexe de temps de paix, le réflexe de ne pas choisir, ce qui était impossible", relève au téléphone Gaël Faye, qui vit désormais au Rwanda. "Les gens qui vivent en paix ne se rendent pas compte à quel point c'est un luxe de pouvoir ne pas se prononcer", poursuit l'artiste, en pleine écriture d'un nouveau roman.

 

(c) 2022, France 24

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