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Pays-Bas : la Shoah, un « mythe » ou un récit exagéré, selon unquart des jeunes

Selon une enquête, plus de la moitié (54 %) des Néerlandais ne savent pas que la Shoah a fait six millions de morts , et 23 % des 18-40 ans jugent très exagéré le nombre de victimes juives.

Mémorial aux victimes de la Shoah, à Amsterdam, le 2 septembre 2021. [Ramon van Flymen | AFP]

Plus de la moitié (54 %) des Néerlandais ignorent que la Shoah a fait six millions de victimes. Un tiers des 25-35 ans dit ignorer qu’Anne Frank, dont le journal est une œuvre mondialement célèbre, est morte dans un camp de concentration nazi.


« Il est choquant de constater que 23 % des milléniaux [nés entre 1980 et 2000] pensent que l’Holocauste est unmythe ou a été exagéré », ajoute Eddo Verdoner, le coordinateur national de la lutte contre l’antisémitisme, en analysant l’étude publiée le 25 janvier par Claims Conference, une organisation internationale qui œuvre à ladéfense des intérêts des survivants de la Shoah. Une étude précédente du même institut faisait état d’un niveau de scepticisme équivalent. La question de l’antisémitisme reste très présente aux Pays-Bas et 65 % des 2 000 personnes interrogées jugent d’ailleurs que le phénomène perdure dans leur pays. Quant au passé, sa simple évocation reste une épreuve douloureuse : sur les 140 000 juifs recensés dans le royaume, 102 000 furent exterminés ou moururent dans les camps. Soit, proportionnellement, le chiffre le plus élevé en Europe. Dès janvier 1941, les juifs des Pays-Bas furent contraints de s’enregistrer auprès des autorités. Toute la fonction publique avait été mise au service du régime d’occupation incarné par Arthur Seyss-Inquart, le commissaire du Reich. Dans les mois suivants, l’occupant allemand, s’appuyant sur le Mouvement national-socialiste (NSB) d’Anton Mussert, qui comptait 50 000 membres, et sur une milice dont 10 000 adhérents allaient s’engager dans laWaffen-SS, a commencé les déportations. En dépit de cette page de l’histoire, 22 % des jeunes Néerlandais jugent « acceptable » qu’une personne adhère actuellement aux thèses néonazies, 13 % affirmant « hésiter » à ce propos.


Théories complotistes Autre enseignement marquant de l’enquête de Claims Conference, alors que les autorités publiques s’efforcent de contrer la résurgence des idées antisémites et de faire la clarté sur le rôle du pays durant la seconde guerre mondiale, la moitié des sondés seulement disent soutenir leur action. Quelque 53 % des personnes interrogées estiment, il est vrai, que leur pays n’a pas été impliqué dans la Shoah. En janvier 2020, le premier ministre libéral, Mark Rutte, avait présenté des excuses officielles pour la persécution desjuifs. « Nos institutions gouvernementales n’ont pas agi en tant que gardiens de la justice et de la sécurité », expliquait-il, déplorant que « trop de fonctionnaires néerlandais avaient exécuté les ordres de l’occupant ». Une intervention jugée « historique et symbolique » par les dirigeants de la communauté.


Les théories complotistes et la désinformation sur les réseaux sociaux ont toutefois, lors de la crise sanitaire notamment, connu un regain et l’institut Utrecht Data School a recensé 200 000 messages antisémites pour laseule année 2020.


Par la suite, certains responsables n’ont pas hésité à comparer le confinement de la population à un « holocauste » tandis que le député d’extrême droite Thierry Baudet, dirigeant du Forum pour la démocratie (FvD), relayait abondamment l’idée d’une domination juive sur le monde. Pression des parents d’élèves


Des informations parviennent en outre régulièrement au coordinateur national quant au fait que des parents d’élèves multiplient les pressions sur les enseignants et les directions d’écoles pour empêcher les leçons sur laShoah ou faire savoir qu’ils les jugent « exagérées ».


Max Arpels Lezer, un survivant des camps de concentration, affirme que « sans l’enseignement, les générations futures ne comprendront pas l’impact de cette période sur [leur] pays ». Il sera peut-être entendu : deux tiers de ses concitoyens estiment que l’histoire de la Shoah doit être obligatoirement enseignée. C’est, au moins, un élément rassurant de cette enquête, relève Emile Schrijver, directeur du Quartier culturel juif, à Amsterdam.

 

(c) 2023, Le Monde

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