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Ouïghours : le rapport de l’ONU évoque des crimes contre l’humanité au Xinjiang

S’il ne semble pas comporter de révélations par rapport à ce qui était déjà connu de la situation dans le Xinjiang, ce document apporte le sceau de l’ONU aux accusations portées de longue date contre les autorités chinoises.


Tour de garde d’un camp de « rééducation » près de Hotan, dans la province chinoise du Xinjiang. [Gilles Sabrie/NYT/Rea]


Un rapport choc publié in extremis. L’ONU évoque de possibles « crimes contre l’humanité », fait état de « preuves crédibles » de tortures et de violences sexuelles à l'égard de la minorité Ouïghoure et appelle la communauté internationale à agir, dans son texte très attendu sur la région chinoise du Xinjiang publié mercredi. La Chine, elle, dénonce un « outil politique » utilisé contre Pékin.


« L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres des Ouïghours et d’autres groupes à prédominance musulmane (…) peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité », indique le rapport d’un peu moins de cinquante pages dans ses conclusions.Mélange d’entretiens réalisés par ses soins et d’informations directes ou de seconde main, il évoque la possibilité de « crimes contre l’humanité » mais ne reprend pas le terme de « génocide » utilisé par les Etats-Unis.


Michelle Bachelet, dont c’était le dernier jour à la tête du Haut-Commissariat après un mandat de quatre ans, tient ainsi in extremis sa promesse en publiant le document peu avant minuit à Genève.


Nombreuses pressions internationales

S’il ne semble pas comporter de révélations par rapport à ce qui était déjà connu de la situation dans le Xinjiang, ce document apporte le sceau de l’ONU aux accusations portées de longue date contre les autorités chinoises.


Sa publication avait fait l’objet de pressions intenses de ceux qui voulaient le rendre public – notamment des États-Unis et des grandes ONG de défense des droits humains — et, à l’inverse, pour l’empêcher de voir la lumière du jour de la part de Pékin, qui considère le rapport comme une « farce » orchestrée par les Occidentaux, Washington en tête.


Dans ce document, l’ONU a appelé la communauté internationale à agir d’urgence face aux accusations de torture et de violences sexuelles dans le Xinjiang que l’organisation juge « crédibles ».


Des accusations « crédibles »

« Les allégations faisant état de pratiques récurrentes de la torture ou des mauvais traitements, notamment de traitements médicaux forcés et de mauvaises conditions de détention, sont crédibles, tout comme le sont les allégations individuelles de violences sexuelles et fondées sur le genre », écrit le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme dans le rapport.


Ce rapport « met à nu, les violations massives des droits fondamentaux par la Chine », a déclaré Sophie Richardson, directrice de l’ONG Human Rights Watch pour la Chine. Le conseil des droits de l’homme de l’ONU « devrait utiliser ce rapport pour lancer une enquête exhaustive sur les crimes contre l’humanité du gouvernement chinois », estime-t-elle.


Amnesty International exige aussi que le Conseil « mette sur pied un mécanisme indépendant international pour enquêter » sur ces crimes au Xinjiang. « Ce rapport ouvre la voie à des actions sérieuses et tangibles des États membres, des agences de l’ONU et des entreprises », s’est réjoui Dolkun Isa, président du Congrès mondial Ouïghour et d’ajouter : « L’heure de rendre des comptes sonne maintenant ».


Diffamation et calomnie, répond Pékin

Le document est basé « sur la désinformation et des mensonges fabriqués par les forces antichinoises » et « diffame et calomnie gratuitement la Chine et s’immisce dans les affaires intérieures de la Chine », écrit l’ambassade de Chine auprès de l’ONU à Genève dans le commentaire attaché au rapport.« Ce rapport est un ramassis de désinformation et un outil politique au service de la stratégie des États-Unis et de l’Occident, qui vise à utiliser le Xinjiang pour entraver (le développement) de la Chine », a répété lors d’un point presse régulier Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.


Pour sa part, Mme Bachelet – accusée d’être trop indulgente envers Pékin — a répondu : « Dialoguer et essayer de mieux comprendre ne veut pas dire que l’on est tolérant, que l’on détourne le regard ou que l’on ferme les yeux. Et encore moins que l’on ne peut pas parler franchement ».


Une rapide recherche dans le texte de l’ONU ne fait pas apparaître le mot de génocide. Une accusation en revanche portée contre Pékin par le gouvernement américain mais aussi l’Assemblée nationale française ou encore les représentations du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou du Canada.


Le Xinjiang et d’autres provinces de Chine ont été frappés pendant plusieurs décennies, et notamment de 2009 à 2014, par des attentats attribués à des islamistes ou des séparatistes ouïghours.


Au moins un million de personnes internées

Depuis plusieurs années, la région fait ainsi l’objet d’une intense surveillance : caméras omniprésentes, portiques de sécurité dans les bâtiments, forces armées très visibles dans les rues, restrictions à la délivrance des passeports…


Des études occidentales, fondées sur des interprétations de documents officiels, des témoignages de victimes présumées et des extrapolations statistiques, accusent Pékin d’avoir interné dans des « camps » au moins un million de personnes, majoritairement ouïghoures, d'effectuer des stérilisations et avortements "forcés" ou encore d’imposer du « travail forcé ».


L’ONU ne corrobore pas ce chiffre mais note « qu’une proportion significative » des Ouïghours et minorités musulmanes ont été internées. La Chine dément ces accusations et affirme que les « camps » sont de fait des « centres de formation professionnelle » destinés à éloigner les habitants de l’extrémisme religieux, et qui seraient désormais fermés.

 

(c) 2022, Le Parisien avec AFP

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